[TERMINÉ] Fly little bird, fly. || ft. Jay

FLY LITTLE BIRD, FLY.

Red Hood & Robin

I didn’t have anything against them and they never did anything wrong to me, the way other people have all my life. Maybe they’re just the ones who have to pay for it.

- Oh. Fuck off bitch, il souffle à l’homme qui tient le canon fermement pressé contre sa tempe. Alfred le reprendrait certainement pour le langage, mais le vieil homme n’est pas là pour lui soutirer son argent de poche. Non pas que cela lui passerait l’envie de jurer de toute manière. Actuellement en étroite embrassade avec un mur crasseux, son bras droit épinglé fermement dans son dos, Jason n’a aucune envie de mâcher ses mots.
Conscient qu’un tel calibre à bout portant pulvériserait le métal de son casque, et accessoirement sa cervelle par la même occasion, le jeune homme ne laisse aucune chance à celui qui se veut son bourreau. Ses mouvements sont rapides, presque mécaniques du fait de sa mémoire musculaire. Amateur. A l’aide du levier de sa jambe contre la paroi glissante, le Red Hood bascule tout son poids en arrière, courbe le haut de son corps et pivote en même temps sur son pied pour se défaire de l’étreinte mortelle. Son bras libre saisit l’arme du pseudo criminel pour la lever vers le ciel : le projectile effleure tout juste la peinture rouge de son masque, ne laisse qu’une légère rayure dans son sillage. Sa main droite désormais libérée aussitôt en poing trouve la mâchoire du type ; le craquement écœurant d’un os qui se brise clairement perceptible malgré le long gémissement que l’uppercut produit. Cette fois c’est son genoux qui trouve son chemin vers un sac de côtes, et son adversaire tombe au sol. Rampe comme un animal errant pour trouver l’arme qu’il a échappée dans l’altercation. Sa main est écrasée avant de l’atteindre de toute manière, broyée par une lourde botte aux finissions d’acier. Le cowboy urbain chasse la cracheuse de balles au loin, et pointe son propre flingue sur sa tête découverte.
Il y a quelques années, Jason aurait tiré sans même se poser de questions. L’homme a de la chance : il n’est plus ce meurtrier de sang-froid, même s’il mentirait s’il niait les sombres pensées qui parfois traversent son esprit tourmenté. Le garçon se contente cette fois-ci de pencher la tête sur le côté à cette vision pitoyable devant lui. Puis il sécurise son glock dans le holster à sa taille, avance et s’accroupit à côté de la forme encore mobile sur le sol. Sa main glisse dans ses cheveux. Sa tête bientôt claque contre le bitume poussiéreux, le plonge dans le même état profond d’inconscience que les cinq autres gars qui jonchent le chantier en ruines.
Le Red Hood observe silencieusement son œuvre, soupire. Il saisit son épaule abusée et replace les tissus par de petits étirements circulaires. Et puis, il tourne les talons, retrouve l’air frais de Gotham et enfourche sa moto.

Deux blocs plus loin l’ancien Robin arrête sa course et descend de sa belle d’acier. Si les chauves-souris devraient rapidement arriver sur les lieux de son désordre pour prendre soin des malfrats, il est peu probable qu’elles suivent sa trace. Pour sûr une forte douleur dans leurs fesses, Jason ne représente pas officiellement une menace à leurs yeux. En fait son travail est même relativement proche du leur, et bien dictature et létalité mises à part. Quelle ironie. Si on lui avait dit voilà quelques années que les rôles seraient inversés, il aurait probablement refusé de le croire.
Le prince damné de Gotham retire son casque, qu’il glisse sous son bras, passe une main lasse dans ses cheveux pour les remettre en place. De la doublure de sa veste il sort un paquet de clopes et glisse l’une d’entre elles entre ses lèvres avant de remettre le carton aplati dans sa poche. Il tapote doucement le tissus de son pantalon à la recherche du briquet rapidement trouvé, allume la cancéreuse et la coince entre son index et son majeur. Adossé un pied contre le mur, il tire sa tête en arrière, ferme les yeux et crache un premier nuage de fumée. Puis un second. Il profite de cette familière habitude pour apprécier la sérénité de la nuit fraiche de Gotham, sans les cris étranglés que l’on pouvait entendre résonner dans ses boyaux à une époque. Il ne reste plus que les tintements des sirènes lointaines dans l’obscurité, comme quoi certaines choses ne peuvent être changées.

Le mouvement est tellement furtif, que Jason pense d’abord avoir rêvé. Mais quand il s’apprête à détourner le regard, l’ombre bouge de nouveau, pratiquement imperceptible. Le masque rouge se redresse de sa position, sur ses deux pieds désormais, les sens aux aguets pour détecter la moindre anomalie dans la ruelle où il se trouve. Cette fois il en est certain, il n’est pas seul. Quelqu’un – ou quelque chose se déplace dans la petite supérette abandonnée à l’angle de la rue. Le couvre-feu est passé depuis plusieurs heures, Gotham devrait être déserte.
Il saisit distraitement la barrette de tabac entre ses doigts, tire une dernière fois dessus sans lâcher l’objet de son intérêt du regard, et l’écrase sous sa botte encore tâchée de sang. Todd avance doucement vers l’entrée, tête sur le côté, plus intrigué que préoccupé. Proche de la porte un éclat brillant attire son regard sur le sol, reflète la lumière du néon vacillant. Il se baisse, passe deux doigts gantés sur la petite tâche et les ramène à sa vision, sous la faible lumière du lampadaire. Son pouce se referme par-dessus pour former des petits mouvements circulaires. Du sang, et il est frais. Jason fronce les sourcils. Il remet son casque sur le visage et dégaine son arme, qu’il garde pointée vers le sol, juste par précaution. Et puis, il entre, avec le soin d’étouffer la petite clochette au-dessus de la porte.

La silhouette qui bouge maladroitement près du comptoir se révèle en fin de compte familière. La tension dans sa main armée se détend quelque peu lorsqu’il découvre l’identité de son fantôme, bien plus encore lorsqu’il voit le jaune du morceau de tissus grossièrement jeté sur le meuble. Ses pas le rapprochent doucement de l’ombre, sans noter le petit miroir qui le trahit.

— He. Try me. Il souffle, cynique, face à la mise en garde de l’individu qui désormais le menace de son katana.

Robin. Damian Wayne. Son gremlin de frangin.
The demon spawn.
Jason resserre sa mâchoire aux mots d’un gamin pourri gâté qui dans sa vie n’a connu que le luxe et l’argenterie fine. Un gosse qui n’imagine même pas ce que son ainé s’est vu contraint de faire pour survivre, au cours de plusieurs étapes pénibles de sa vie. Red Hood cependant relève le menton et ignore la provocation. Un sourire en coin dissimulé derrière son masque.

— Aw, such a delightful baby bat. As always.

Sa main hésite un instant sur la crosse de son arme. Ce petit teigneux serait bien capable de l’attaquer, il lui fait confiance sur ce point. Pourtant à la place, il choisit de ranger le glock dans son holster.

— Uh oh, looks like someone’s in trouble , il désigne d’un mouvement de tête la plaie qu’il aperçoit dans le reflet du petit miroir, comprend désormais sa difficulté. Ce n’est pas beau à voir.

— Anyway, the only rat I see here…  Jason place son index sur la pointe de la lame affûtée, et la détourne aussi doucement qu’il s’approche prudemment de l’enfant soldat. Is about to bleed out.

Parvenu à atteindre le comptoir malgré la menace presque conventionnelle de son cadet, le Red Hood s’assoit de l’autre côté du miroir. Ses mains glissent toujours aussi lentement vers l’attache de son casque, qu’il retire pour découvrir son visage et dépose à côté de lui, une main grossièrement posée sur son sommet. Il soupire, secoue la tête de droite à gauche.

— Allez, pose ton sabre Skywalker, et laisse-moi r’garder ça.

FLY LITTLE BIRD, FLY.

Red Hood & Robin

I didn’t have anything against them and they never did anything wrong to me, the way other people have all my life. Maybe they’re just the ones who have to pay for it.

- Because Star Wars is fuckin’ gold and nobody should ignore that.

L’index accusateur pointé dans la direction du profane de science-fiction s’affaisse au profit d’un hochement d’épaules désintéressé. Un ennemi. C’est donc comme ça que Damian le voit, aussi simplement. Ce n’est pas totalement faux. Ce n’est pas totalement vrai non plus. Les frontières aujourd’hui plus que jamais sont brouillées, teintées de subtilités qui leur échappent. Mais avec le fils du démon c’est encore différent, puisque les altercations vont bien plus loin encore que des divergences d’opinions et conflits familiaux. Ou peut-être que justement, tout est à voir avec la famille. Avec Talia. Avec la ligue des assassins. Un passé commun, gardé sous silence depuis leur réunion, au sein duquel le cadet l’a vu au plus bas - même s’il était probablement trop jeune pour se souvenir. Non pas que son expérience post-Lazare ait été plus élogieuse. Oh combien Damian doit détester de son côté avoir été entraîné par son prédécesseur avant même de rencontrer son paternel, premier bat à avoir croisé le fer avec lui.
Et pourtant ils probablement bien plus en commun que les autres membres de cette famille recomposée. Cette même rage qui brûle au fond d’eux, ou encore la soif enivrante de violence, qui ne font définitivement pas partie de l’héritage de Robin. Pas plus que leur passion commune pour les armes. Ils partagent également des goûts plus prononcés pour une culture bien un peu élitiste, les grands classiques artistiques, la littérature, la peinture. La musique. Et au diable Dick et ses Spice Girls. Une facette que beaucoup ignorent de Jason et ça lui est complètement égal. Il a l'habitude de passer pour le simple cogneur écervelé. Il faut dire qu’il n’a pas une grande estime de lui-même en premier lieu. Encore un point que ça leur fait en commun. Oui, tous deux pourraient vraiment se comprendre, s’ils prenaient un peu plus le temps de s’écouter ; mais à la place ils s’évertuent à alimenter leurs différends.

- Hey, I’m a grown man ! I can stab you on my own thank you very much.

Haleine encore remplie de tabac lorsqu’il s’indigne. D’accord, Rose n’est pas totalement saine d’esprit. Lui non plus d’ailleurs. C’est aussi pour ça qu’ils se comprennent avec tant de facilité, que l’alchimie opère bizarrement entre ces deux phénomènes de société. Mais ce n’est décemment pas une espèce de karaté kid psychopathe de onze ans et haut comme trois pommes, avec un katana dans les mains, qui est en mesure de juger. Ici, à Gotham, personne n’est sain.

- Traitor ? You folks barely accepted me back in the ol’ days. And Bruce made it pretty clear that he didn’t want me around anymore.

Des sourcils réprobateurs se dressent au-dessus de ses yeux. Jason tapote légèrement son casque, seul signe de sa nervosité. Sa voix cependant reste détachée, froide. Quelque peu amère, peut-être. Comme si tout cela ne l’impactait pas. Comme s’il n’avait jamais été blessé de se voir évincer une nouvelle fois par la famille. C’est ce qu’il pense après tout, ou ce qu’il veut croire, il ne sait plus vraiment. Il faut dire que c’est le merdier là-haut. A force de constamment tout enfouir dans un recoin de son encéphale pour plus tard, peut-être que l’amertume qu’il ressent parfois finira par sombrer dans l’oubli. Aidé habituellement par ce délicieux breuvage, le nectar des dieux qui brûle l’œsophage et l’aide à guérir ses blessures non pansées la plupart du temps.

Jason renifle. Il étire distraitement son dos, les mouvements circulaires pour apaiser son épaule suscitent les bruissements du cuir de sa veste. Petit sourire narquois au bord des lèvres lorsqu’il poursuit, une main balaye grossièrement le vide devant lui.

- Anyway, I know you just want to piss me off. Well… That was a good try. Could actually have hurt Nightwing’s feelings. But hey, ‘m not him. I don’t care the way he cares about all this siblings shit, il répond le plus simplement du monde. I don’t need any brother. I never did.

Mensonge à peine camouflé.
Une nouvelle fois le Red Hood hoche les épaules.

- Now if you say you can handle it… Well have fun dislocating your shoulder.

Il y a une pointe d’amusement, peut-être de moquerie dans sa voix. Jason ne se fait pas prier pour se lever du petit comptoir d’accueil, casque sous le bras et dépasser la forme contorsionnée du gamin. Coupé dans son élan cependant pour faire trois pas en arrière, attraper la bouteille d’alcool cheap qui traîne et reprendre son chemin le goulot au bec. Et quand Damian marmonne quelque chose qui lui échappe, il se contente de lever un majeur dans sa direction, sans même le regarder.

Les fournitures recherchées sont rapidement trouvées parmi les étalages abandonnés de la supérette. Le jeune homme à la mèche blanche revient quelques cinq minutes plus tard tout au plus, tire le fauteuil de la caisse à côté du perchoir improvisé de l’oisillon. Sans commentaire il s’assoit sur la chaise, pose la bouteille par terre à côté de lui et installe ses jambes tendues, pieds croisés sur le comptoir au-devant. Sur ses cuisses repose le casque rouge à l’envers, un paquet de Doritos flamin’ hot à l’intérieur, périmé depuis… Il regarde la date. Trois ans. Il hoche la tête. Cela ne l’empêche pas de les manger malgré tout, ce n’est pas comme s’il risquait d’en mourir. Le tout, bien sûr sans louper une miette de la scène qui se passe devant lui. Et pour ce dernier point ironiquement, il ne ferait pas la même constat que pour les chips.

FLY LITTLE BIRD, FLY.

Red Hood & Robin

I didn’t have anything against them and they never did anything wrong to me, the way other people have all my life. Maybe they’re just the ones who have to pay for it.

La bouche remplie de pétales salées, tu hoches grossièrement les épaules au dégoût explicite de l’oisillon, illustrant tout ton mépris pour ce qu’il pense avec ses goûts de prince trop bien élevé.

Tu savais que ça se terminerait comme ça. T’avais pas vraiment l’intention de regarder ce punk arrogant se vider de son sang sans bouger le petit doigt. Il aurait certes besoin d’une leçon, pour savoir quand ravaler sa fierté et se laisser aider par ceux qui supportent encore son caractère de cochon ; mais quoi que t’en penses Damian reste ton idiot de frangin. Et si chacun a un rôle dans votre espèce de famille sans dessus-dessous, t’es clairement pas le moralisateur de la bande. T'es pas le vieil homme, t'es pas le golden boy. Qui serais-tu pour juger les actions des autres de toute manière, quand tu as déjà suffisamment de merde à remuer autour de toi ? T’es pas un moralisateur et tu n’es pas suffisamment impliqué pour le devenir. Ou du moins c’est ce que tu t’évertues à croire, quand au fond tu es bien plus soucieux d’eux que tu les laisses croire, ou que tu t’autorises à reconnaître.
Tu aurais pensé cependant que ses luttes seraient bien plus difficiles et qu’il te faudrait brûler davantage de cartes pour, et bien d’une certaine manière, le raisonner et le pousser à te laisser approcher. Il doit être en plus mauvais état que ce que tu as initialement analysé, en témoignent son teint métissé qui blêmit ou encore son regard sauvage qui perd lentement en intensité. Bien que toujours dangereux.

Sourire en coin tu mets une dernière chips dans ta bouche à la reddition du cadet et tapes dans tes mains, les frottes l’une contre l’autre pour faire partir le sel de tes doigts gras. Tu lèves les yeux au ciel à l’entêtement perpétuel de l’adolescent – inconscient du fait que tu ne sois pas bien différent sur ce point.

- Without a doubt.

Tes pieds glissent du comptoir, tu te lèves de la chaise et attrapes les gants jusqu’ici logés sous ton bras gauche pour les déposer sur le meuble d’en face. Ton casque et le sachet de Dorritos les rejoignent.

- > sigh < Yeah yeah, you’ll kill me, blah blah blah, tu soupires, mimes une bouche avec tes doigts. I get it. Heard all this before. Also, salt is a natural disinfectant y’know.

Tu attrapes la bouteille d’alcool sur le sol et fais couler ce qu’il en reste sur tes mains nues, les frottes ensemble pour désinfecter tes doigts. Tu fronces les sourcils et plisses tes lèvres, mains trempées levées devant toi, puis hausses simplement les épaules avant de prendre la cape abandonnée de Robin, discrètement – ou c'est ce que tu crois, pour essuyer le liquide qui coule.

Tu commences par retirer les quelques derniers points maladroitement tissés sur sa peau avant de nettoyer un peu mieux la plaie déjà enflammée. Les mouvements te sont mécaniques, rapides mais précis quand tu commences à travailler l’aiguille sur la peau de ton cadet ; bien trop habitué à la broderie humaine – la plupart du temps à tes propres frais.

- Wh… What ?, tu manques de t’étrangler, avant de reprendre la couture. D'accord, il t'a eu, tu ne savais même pas qu’il connaissait le mot. Hm. That’s a master fighter who uses the dark side of the Force – a mystical energy, driven by hatred and anger to assert his supremacy over the galaxy. Kind of the Red Lanterns of Starwars.

Tu arques un sourcil.

- He. Angry with a saber. Looking for power. Now you mention it that reminds me of someone.

Tu souris légèrement à la remarque, pendant que tes doigts continuent leur travail bien avancé sur l’omoplate de Damian. Puis tu demandes plus légèrement :

- Why ? Where did you hear about that ?

FLY LITTLE BIRD, FLY.

Red Hood & Robin

I didn’t have anything against them and they never did anything wrong to me, the way other people have all my life. Maybe they’re just the ones who have to pay for it.

Tu entends la déception dans la voix de ton frère, dans son intonation soudainement rauque et évasive. Tu la vois à son dos qui se contracte légèrement sous tes doigts. C’est de ta faute, d’une certaine manière, même si tu ne sais pas vraiment pourquoi. C’est ta spécialité après tout. Mettre les pieds dans le plat, détruire tout ce que tu touches. Te conduire en idiot et blesser les gens même quand ce n’est pas ton intention. Surtout quand ce n’est pas ton intention. Tu devrais te sentir coupable. C’est le cas, tu crois. Tu ne sais plus, derrière ta propre amertume. Peut-être que c’est pour ça que ta famille ne te supporte pas, parce que tu es cette personne agaçante qui met les gens mal à l’aise, parce que tu n’as aucun tact pour exprimer tes émotions. Pire encore, tu ne sais pas comment réagir face à celles des autres.
Comme maintenant.
Soudain avare de mots tu baisses simplement la tête, lâchement, pour te concentrer sur les points que tu tisses sur l’omoplate de ton cadet – ce qui lui laisse suffisamment d’espace pour aller un peu plus loin dans ses pensées, le temps de s’ouvrir un peu plus. Alors, tu comprends un peu mieux où t’as foiré. A la manière d’Alfred lorsqu’il veut vous coincer face à l’absurdité de vos propres entêtements, tu arques un sourcil.

- Obviously it does for you.

Il n’y a ni moquerie ni jugement dans ta voix. T’es loin d’être né de la dernière pluie, tu comprends que quoi qui se passe dans sa petite tête, ça a de l’importance à ses yeux. Tu soupires sans te rendre compte que tes doigts se sont arrêtés un instant.

- Look, Damian… Tu te racles la gorge, reprends ton mouvement comme s’il ne s’était jamais arrêté. I’m a Sith too if it can make you feel better. And that's not necessarily a bad thing, it’s just… We don’t see the world the same way as most people do.

T’es pas sûr que ça puisse le rassurer cependant, peut-être bien l’inverse d’ailleurs. Tu sais qu’il ne veut pas être comme toi, tu connais toute l’estime qu’il te porte. Parce que tu n’es pas né dans le même monde que lui, parce qu’à ses yeux tu n’es qu’un rat bon à ramasser les ordures des plus riches. Mais t’es pas Dick, tu ne connais pas les mots magiques pour faire partir la peine, alors tu parles avec sincérité à la place. Quelque part tu apprécies le fait qu’il se confie à toi de cette manière, cette honnêteté fugace entre vous ; tu es conscient que c’est preuve de confiance de sa part, tout comme toi retirant ton masque face à lui.

Il est si facile d’oublier que derrière ces grands airs et le combat qu’il est capable de livrer, derrière cette langue acérée se trouve toujours un jeune garçon, qui a dû s’adapter bien trop vite à un monde violent et assassin. Un enfant bien plus futé que la plupart des adultes certes, plus mature aussi. Pourtant certaines choses ne remplacent pas une enfance volée, tu le sais, et un gamin aura toujours des problématiques de son âge. Une certaine naïveté aussi, un esprit plus malléable, influençable par les adultes qui l’entourent. Mais tout de suite tu le vois très distinctement, blessé et le cœur gros sa jeunesse ressort, dans ses traits, dans sa posture. Dans sa voix incertaine. Il paraît plus petit que d’ordinaire. T’as l’impression de revoir ce gamin que t’as connu il y a des années, qui paradoxalement t’apportait un certain calme quand tu ne savais même plus qui tu étais. Tu n’as pas pitié de lui, plutôt de la compassion – tu en es le premier surpris.

- I understand.

Tu fixes le dernier point sur son dos, reposes l’aiguille sur le bureau à côté de Robin. Tu as toujours été attiré par le pouvoir, parti de rien pour ne rien obtenir dans la vie. Ni dans la mort d’ailleurs, à part une tripotée de traumas et une mèche blanche au sommet de ton front. Tu ne peux pas le nier, aujourd’hui encore tu as cette fâcheuse tendance à vouloir tout contrôler, faire les choses à ta manière. Tes croyances premières sont étroitement proches des siennes sur ce point, il a raison, et il sait que tu le comprends. Mais à la différence de Damian, tu possèdes un riche héritage, indispensable pour comprendre la complexité de cette doctrine : l’expérience.

- But at what cost ? I… trully don’t know. Tu n’as pas encore trouvé la réponse, tiraillé constamment entre tes convictions, celles qui te susurrent qu’un bon criminel est un criminel mort, et ta conscience. Power is a tool that can lead to either positive or negative outcomes, depending on the hands that hold it.

Tu nettoies une dernière fois la zone de peau sur laquelle tu as travaillé avant de fixer dessus une compresse propre, puis essuies tes mains avant de remettre tes gants renforcés. Lentement tu contournes le comptoir d’accueil pour faire face à ton frère, mordilles machinalement ta lèvre inférieur – bien un peu hésitant. Finalement tu poses ta main sur son siège de fortune pour prendre appui, plonges ton regard dans le sien. Si Damian a su mettre vos différents de côté pour s’ouvrir un peu à toi, peut-être que tu peux le laisser t’approcher à son tour, lui rendre la même sincérité. Peut-être qu’au final tu en as aussi besoin que lui.

I once tried to take it for the wrong reasons. I made bad decisions fueled by the belief that it was for good. And now I have to live with it for the rest of my life.

Tu as toujours été très honnête dans tes paroles, contrairement à l’image que tu renvoies, tu n’entres pas vraiment dans leurs jeux de non-dits et d’interprétations superficielles si tant est que la personne d’en face soit disposée à t’écouter. Pourtant tu n’es pas sûr de t’être déjà confessé à l’un d’eux sur ce point, pas aussi ouvertement, aussi naturellement. Parce que tu le sais, tu as merdé, c’est indéniable dans ton esprit. Pas besoin de tourner autour du pot. Tout comme tu sais que tu n’as fait qu’agir de la manière qui te semblait la plus juste sur le moment, pureté de tes intentions lorsque ton esprit était malade.

Tu détournes légèrement le regard.

- Some battles are not worth fighting.

FLY LITTLE BIRD, FLY.

Red Hood & Robin

I didn’t have anything against them and they never did anything wrong to me, the way other people have all my life. Maybe they’re just the ones who have to pay for it.

Damian ne comprend tout simplement pas, que le monde n’est pas de noir et blanc fait ; il se décline de nuances grisées qui se superposent les unes aux autres – s’éclaircissent ou s’assombrissent selon l’angle de vue. Welcome to the world of grey, tu as envie de lui souffler, résigné alors qu’il commence seulement à s'interroger, remise en question de tous ces mantras qui lui ont été répétés depuis sa naissance. Dans ce monde-là, parfois tu es contraint de choisir entre ton cœur et ton esprit, deux chemins différents -- tantôt en symbiose tantôt opposés. Par principe, ou pour survivre. Au nom d’une cause qui te dépasse. Ce fut ton cas. Ce fut aussi celui de ton frère ainé. Tu as choisi tes convictions, il a choisi son cœur. Tu ne peux l’en blâmer, tout autant que tu le voudrais. Une partie de toi le comprend, cette même partie que tu caches au monde entier mais t’empêche de t’en prendre directement à Bruce.

- Dickie chose to stay for you, idiot. He stayed because he couldn’t turn his back on his little brother. Nor on Bruce as well, he couldn’t let him go insane all by himself. He had to ensure that the ol’ man get some reason put into his brain. But it’s teering him apart. He’s not going as well as everyone thinks.

Tu le connais, ton frangin. Vous avez beau trouver le moyen de vous mettre sur la tronche à chaque rencontre, à cause de vos tempéraments si différents, lui qui essaye de mettre un peu de moralité dans ton crâne et toi qui jalouse chacune de ses respirations, le parfait petit soldat doré. Il n’empêche que tu l’observes depuis que t’es gosse, tu comprends comment il fonctionne, toujours à cacher sa propre peine aux autres pour s’assurer que sa famille, et surtout ses frères -- toi compris, aillent au mieux. Ses besoins passent après les vôtres, parce qu’il a toujours été et sera éternellement le cœur de la famille. Les autres ignorent à quel point vous avez été proches autrefois. Et tu sais que derrière ses insatiables sourires il cache bien plus de tristesse qu’il n’y paraît. Tu sais que cette situation, avec son petit monde qui vole en éclats, l’affecte au-delà de ce qu’il laisse apercevoir derrière ses blagues et stupides jeux de mots.

Entendre Damian sous-entendre que tu collabores avec ton assassin réveille en toi un élan de rébellion, quelque chose qui te prend par surprise et te fait mal, comme un poing dans l’estomac perfore les poumons et coupe le souffle. Tu sais qu’il ne le fait pas pour se glisser sous ta peau cette fois-ci, ton cadet cherche simplement des réponses, comme chacun d’entre vous. Tu te retournes précipitamment pour ne plus lui exposer que ton dos, tu sens douloureusement chacun de tes muscles se contracter. Tu ne veux pas lui montrer ces émotions-là, ta crainte, ta colère. Ta faiblesse. Ta mâchoire se crispe alors que tu t’approches de la vitrine du bouis-bouis en vrac, poses ton front contre la vitre froide et le poing fermé à côté pendant que Damian continue d’expliciter ses pensées.

- Why the fuck does everyone still think I’m with him. I’M NOT ! De frustration tu tapes sur le carreau de la vitrine, qui cède sous ton poing. Tu perds brièvement le contrôle. Les morceaux de verre entaillent ton poing non protégé, bientôt recouvert par une toile cramoisi qui s’étend doucement. Le sang suit les courbures de tes phalanges blanchies par la pression, glisse entre tes doigts fins ; c’en serait presque beau. Tes paupières sont hermétiquement pressées sur tes yeux, ton front toujours appuyé sur le restant de verre froid en face de toi.

La douleur te ramène au présent, te permet de te raccrocher à quelque chose de concret. Ta main s’ouvre doucement, tombe sur la partie de la vitrine toujours intacte pour finalement monter face à ton visage inexpressif. Tu regardes distraitement les motifs qui se forment sur ta peau pâle, hypnotisé par ton propre sang qui coule maintenant sous ta manche.

- Your daddy’s the one that chased me away. I’m not fighting him. At least not directly. Ton bras retombe sur ton côté, visage fermé quand tu le tournes en direction de ton frère, tu ne veux pas lui manquer de respect. For what it’s worth I don’t blame him for murdering criminals. But I already took this path and I know too well how it’s easy to get lost in it. Now I just don’t care about who’s on which side, they both sucks to me. I fight for what feels right, the Red Hood stands for the too many forgotten of this hell of a city. For the true innocents, stuck in between them.

Tu retournes vers le comptoir auprès de Robin, où gisent tes affaires à côté des compresses imbibées de sang, du vieux miroir crade et des chips. Tu soutiens son regard, le menton levé et la détermination évidente dans ton regard sombre.

- But don’t think a single second that I’m with that fuckin clown. I’m not stupid enough to buy his “people change” bullshit. This maniac better stay the fuck out of my way ‘cause as far as I’m concerned he would be better off with his head ripped from his body. Don’t get me wrong, one day I’ll make him pay. The last laugh will be mine.

Tu commences par remettre tes gants, puis attrapes ton casque rouge presque distraitement. Tu le retournes entre tes doigts, sourire amer alors que tu observes ton propre reflet abimé dans sa face avant. Un rire sans amusement quitte la barrière de tes lèvres gercées.

- That’s funny. Bruce always refused to kill that monster for what he did to me. Or to Babs. He. Now that he threatens his little dictatorship that’s not a problem anymore. I guess I shouldn’t complain about that.

Cette fois ton expression se radoucit légèrement, regard presque peiné quand tu t’adresses à nouveau à l’oisillon blessé en face de toi, tu te risque même à poser une main sur son épaule valide malgré ton absence habituelle de contacts – bien que le léger toucher ne s’éternise pas.

- >sigh< Look Damian. I know it's always been complicated between us, and you’re definitely a pain in my ass, that’s for sure. But as far as I may be your enemy, you’re not mine.

Tu remets le casque rouge sur ton visage avec un clic franc qui t’assure protection, puis tu tournes les talons pour te diriger vers la sortie de la supérette. Tu sais qu’il ne va pas te suivre, s’il voulait réellement te tuer il l’aurait fait depuis longtemps, lorsque tu n’avais pas ton armure faciale et que ton cou était découvert pour sa lame. De toute manière il n’est pas en état de t’affronter avec la perte de sang, même si tu sais que ce n’est habituellement pas ce qui le dissuade d’essayer de toute manière.

Avant de passer la porte cependant tu marques une pause, appuie une main dans l’armature de l’entrée un peu hésitant, la tapotes grossièrement deux fois le poing serré. Ta tête se retourne pour regarder une dernière fois Robin par-dessus ton épaule.

- I don’t know where to find Talia. And I don’t know what she thinks about all of this crap. But… I know that wherever she is, she loves you Damian. And she was always proud of you. , tu souffles à peine plus haut qu’un murmure derrière le modulateur de voix de ton masque et tournes la tête dans la direction de tes pas.

Et puis avant de t’éclipser dans la nuit, tu ajoutes :

- Take care of you little shit.