Unexpected savior | Jason

Unexpected savior.

Red Hood & Arthur Crawford

You didn't need to speak sweetly and offer patronage at every turn to these people. You had to be honest with them and show that they had more to gain from your friendship than your enmity. -- Fonda Lee.

La fête a déjà commencé, tu ne fais que débarquer à l’improviste dans le joyeux bordel ; chien fou en armure dans un jeu de quilles. Invité assurément indésirable alors que ton invitation s’est perdue en cours de route. Le pigeon voyageur se sera pris une cartouche en plein vol ; tout comme le rouge-gorge que tu as été un jour. Explosé dans le feu de l’action, détroussé de ses plumes. Non, tu n’as pas été convié aux festivités. Mais dans ton activité c’est rarement le cas, ou alors c’est mauvais signe. Ce sont tes petits plaisirs coupables tu dois l’avouer, en témoignent les gants renforcés sur les phalanges dont tu t’es paré pour l’occasion. Comme pratiquement tous les soirs, surtout depuis que les chauves-souris t’ont tourné le dos. Ou que tu as tourné le dos aux chauves-souris, tu ne sais plus vraiment. Parce que c’est ce que tu as fait tout au long de ta jeune vie après tout, jouer au chat et à la souris avec eux, avec ta famille. Tantôt alliés, tantôt ennemis -- tous valsent à l’unisson pendant que toi tu danses un bien dangereux tango.

Tu amortis la réception de ton saut lorsque tu quittes la furtivité de ton perchoir pour atterrir dans l’arène de bitume et ciment noirci. Tu ne comptais pas arrêter ton gars de cette manière, pas ici. Il faut dire que tu ne t'attendais pas à voir un visage familier dans le coin, celui-ci en particulier ; encore moins de regarder ce visage familier essuyer les murs crades, maintenu fermement par celui que tu cherches à coincer depuis un couple de jours. Au moins ils ne t'entendent pas approcher de ta cible. Tu arrives juste à temps pour attraper son poing et stopper net l’uppercut visé à terminer l’officier du GCPD.

- Uh oh. On dirait bien que quelqu’un est dans la mouise.

Ton regard passe du dealer au policier, puis de nouveau au dealer ; le temps d’enregistrer la scène, noter chaque détail. Le criminel grogne et tente de s’extirper de ton emprise, impossible à briser sous cet angle.

- Ouais et à moins d’vouloir être le suivant, retourne t’occuper d’tes affaires et laisse-moi finir de l’corriger.

- En fait, j'parlais d’toi, connard.

Tu ne peux t’empêcher d’ironiser avec sarcasme aussi acéré que ta langue. Pas une seconde de répit, tu tires son poing vers l’arrière et de ta main libre frappes son visage, craquement écœurant vaguement camouflé derrière le « putain ! » qu’il prononce alors que tu sens l’arrête de son nez rompre sous tes phalanges. L’homme relâche sa proie et fait un pas en arrière pour retrouver son équilibre. Il se retourne, se tient le museau - l’hémoglobine coule très distinctement entre ses doigts. Mais lui comme toi êtes bien trop habitués à la vue du sang pour vous laisser distraire et tu le sais.

Tu connais cet homme, il a travaillé pour toi voilà quelques années. Indirectement. C’est le cas de la plupart des gros poissons de la pègre organisée à Gotham, rien d’exceptionnel là-dedans. Mais tu te souviens de lui particulièrement. Il n’était qu’un pauvre rat à l’époque, prêt à vendre père et mère pour gratter quelques miettes auprès des plus grands. Un connard ambitieux, avec des accès de colère incontrôlables. Tu vois que certaines choses demeurent - une des trop nombreuses preuves que l’homme est incapable de changer sa nature profonde. Tu le sais, parce que t’es comme tous ces pourris au fond. Tu as beau le dissimuler, essayer de te persuader du contraire, tu restes convaincu qu’il y a quelque chose de laid en toi, dans l’essence même de ton être. Cette partie fondamentale de toi que tu détestes plus que tout, celle qui a besoin de violence pour subsister. Tu as après tout sur tes mains bien plus de sang que cette ordure, ou que la plupart des monstres de la ville.

D’un coin du regard tu vérifies l’état de Crawford désormais à terre. Il respire, c’est tout ce qui compte pour l’instant. Tu sais qu’il ne va pas apprécier le rôle du damoiseau en détresse, parce que tous les deux êtes un peu les mêmes têtes brûlées quand il s’agit de se faire aider. Mais tu n’as pas apporté ton popcorn pour te permettre de le laisser se faire buter sous ton nez.
Tu ne t’attardes pas trop sur son état de toute manière, puisque le colosse d’en face fait bien vite connaître sa présence. Ses muscles se tendent, comme un taureau prêt à attaquer.

- Ça fait longtemps que t’es plus l’patron ici Red Hood, t’as plus aucun pouvoir. Juste un pauvre type avec un casque. Tu m’fais pas peur.

- Dommage pour toi, tu hoches dédaigneusement les épaules, ne t'embarrasses pas de longs discours inutiles.

Du haut de ton mètre quatre-vingt dix tu n’es plus vraiment habitué à te sentir petit ; pourtant il te dépasse de bien une tête, ce qui lui confère l’avantage physique quand il te fonce dessus. Tu as les réflexes et la maîtrise de ton côté cependant, ce qui te permet d’esquiver l’assaut avec un pivot sur toi-même et répliquer par un coup de pied déplié dans la base de sa colonne vertébrale. Il n’est pas ravi de cet échec. Tu vises ses genoux ensuite. Mais le gars est solide et ne perd pas sa balance aussi facilement. Il se retourne et t’attrape par le cou, te jette contre le mur adjacent. Ton dos prend le choc, l’arrière de ta tête claque contre le ciment, protégée par le casque rouge.
Le criminel sourit comme un joker, dents orangées par le sang qui les recouvre et rajoute à la perversion de ses traits. Tu fronces les sourcils, penche la tête sur le côté, légèrement sonné sur le moment. Il déplie un couteau que tu juges suffisamment affûté pour transpercer ton uniforme comme un morceau de beurre. Tu esquives les premiers coups de lame avec la même aisance que plus tôt, avant de parer un nouveau coup porté à ta jugulaire en barrant son mouvement de tes deux avant-bras devant ton visage, coudes serrés et poings en l'air. Avant qu’il ait le temps de se retirer tu attrapes son poignet armé, le coinces sous ton aisselle et l’affaiblit d’un genou dans sa mâchoire. Profitant de sa légère commotion tu libères son bras pour le tordre dans son dos, un pied en appui sur son mollet pour l’obliger à poser le genou à terre – tu tires, mets son épaule à l’épreuve. Il s’accroche au couteau, tu n’as pas le choix. Ou juste, tu aimes ça. Tu tires un peu plus et sens l’articulation qui cède sous la pression. L’homme hurle, l’arme blanche tombe au sol, rapidement balayée par ton pieds.
Tu lâches ta prise et le regardes se relever de sa position, tenir lamentablement son épaule. Il est coriace cependant. Il refuse de rester à terre ; à la place revient à la charge comme une bête enragée. Un langage que tu ne connais que trop bien. Ton prochain poing frappe sa pomme d’Adam – mouvement imparable pour neutraliser temporairement un adversaire, il s’écroule sur ses mains alors qu’il tente de retrouver son souffle. Tu cognes son intestin, puis d’un pied sur ses côtes le renverse sur son dos, vulnérable sous ta botte qui maintenant repose sur son thorax. Tu appuies, comprimes son sternum. Enfin tu t’accroupis à côté de lui, l’attrapes par le col et lui assène un ultime coup de poing dans la tempe qui le laisse inconscient sur le sol humide.

- Toujours dans d'belles situations, uh ? Tu t’adresses à l'officier du GCPD quand tu le rejoins, voix dénuée d’empathie et modifiée par le brouilleur de ton casque. Ca va ?

Tu lui offres une main pour l’aider à se redresser, puis sur un ton tout aussi neutre tu continues et ton bras se dirige déjà vers ton holster.

- Ses potes vont s'ramener.

Unexpected savior.

Red Hood & Arthur Crawford

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Il hésite à accepter ta main, tu le sais, tu le sens, confiance inexistante alors que l’honorable détective du département de la police se voit forcé de faire face au hors-la-loi impétueux. Mais sans doute oublie-t-il où il se trouve, dans les boyaux les plus usés de Gotham, dans la crasse, engagé dans un bien sale duel contre un trafiquant et meurtrier. De ce que t’as appris de lui, il n’est pas du genre à rester sagement à sa place, il n’a pas peur de retrousser les manches et salir sa belle chemise blanche de flic mis au placard par la milice, c’est ce qui t’a interpellé pour commencer ; au fond vous n’êtes pas si différents, il refuse simplement de l’admettre. De reconnaître qu’il puisse, bien que moins excessif ou radical, trouver l’ombre d’un reflet de sa propre personnalité dans un pourri dans ton genre.
Ce ne sont que des étiquettes cependant, des mots ; des images qui sont là pour berner les gens dans un monde où tout se joue sur les apparences. Et la tienne te permet d’être respecté, d’être craint ; pouvoir indéniable que procure la simple peur qui découle de ton nom et fait trembler les véritables criminels. Te faire détester, aussi. T’es pas dupe. Le britannique ne t’apprécie pas, mais ce n’est pas vraiment ton problème. Il n’a pas besoin de t’aimer pour ce que tu attends de lui ; et toi non plus d’ailleurs. Néanmoins, tu comprends parfaitement cette méfiance à ton égard : la confiance est une ressource rare et précieuse, qui se gagne par les actes. C’est quelque chose que tu respectes. Tout comme tu sais que t’es pas franchement le cheval sur lequel on mise habituellement, t’as pas la tête du gars fiable – encore moins au travers des dossiers du GCPD. T’as pas la faculté de ton stupide frangin à charmer n’importe qui avec des yeux doux et des sourires ridicules.

Pourtant l’homme finit par accepter ton aide, attrape ton poignet qui lui donne la balance nécessaire pour se relever – bien que tu ne doutes pas qu’il l’eut fait par ses propres moyens. Un peu agacé cependant par ses accusations qu’il te lance, tu lèves le menton à la mention d’un mot en particulier. T’avances de quelques pas, fermes un peu plus cette faible distance entre vous ; serres la mâchoire et bombe le torse qui arbore encore ce logo de chauve-souris – aujourd’hui dénudé de sens.

- Assassiner implique un acte prémédité et injuste, contre une victime innocente. Et prendre son putain de pied pour le faire. J’ai abattu beaucoup de trouducs, mais merde j’ai jamais assassiné qui qu’ce soit.

Tu le lorgnes de la tête aux pieds. Tu veux que les choses soient claires. Parce que de toutes ces choses que tu es, ni glorieuses ni enviables ; de ce lourd bagage qui te colle à la peau et avec lequel tu t’efforces de vivre, tu n’es ni un lâche, ni un meurtrier. T’as tué de sang-froid, excessivité induite par la folie de ta résurrection et le sentiment destructeur d’injustice, mais seulement des ordures qui le méritaient. Tu t’es efforcé de salir tes mains, ton âme ; de brûler tes relations avec ta famille et vendre ton âme au diable pour nettoyer la ville du mal qui la gangrène.  Mais jamais tu n’as ressenti la moindre satisfaction, le moindre plaisir pour tes actes ; si ce n’est un certain soulagement macabre ou l’assouvissement d’une vengeance contre un ennemi que jamais tu ne pourras vaincre - idée fantaisiste de justice assez semblable à celle de Bruce. Un fardeau qui, bien que tu ne l’admettes, te pèse ; mais que personne ne peut porter pour toi, que personne ne veut porter pour toi. Qui voudrait après tout, de ces mains sales ? Qui serait assez fou pour prendre, consciemment, le couteau de tes mains pour prendre une vie à ta place ? Toi, Jason, t’es habitué à ça. Être le vilain de l’histoire, le cygne noir. Tu ne ressens pas suffisamment de choses pour en être ébranlé, la vie n’a pas autant de saveur la seconde fois ; ou peut-être est-ce ce que tu t’entêtes à penser.

- Mais t’en fais pas. J’suis en pleine réhabilitation si ça peut t’rassurer. Avec agent de probation et tout l’bordel.

Sous ton masque de carmin tu souris, arrogant, et si la commissure de tes lèvres est invisible sous l’épaisseur de métal, ton insolence perce explicitement le timbre de ta voix.

Ici cependant, ne se trouve pas ton ennemi.  Tu vois plutôt en Crawford un allié potentiel dans la police, quelqu’un avec qui tu pourrais collaborer dans le plus grand des secrets. Il a des oreilles là où t’en as besoin, et t’as des informations sur le monde de la pègre. Il a essayé de te coincer, hell, il a bien failli le faire, en piteux état que tu étais ; mais vous avez un but commun et si t’as bien cerné le personnage t’es certain que son désir de justice est plus fort encore que son envie de pincer le Red Hood. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé ce soir-là, quand tu étais pourtant à sa merci, servi sur un putain de plateau d’argent sous son nez. C’est bien pour cette raison que tu lui as dernièrement laissé fuiter quelques tuyaux sur des fripouilles du coin, à prendre ou à laisser, même s’il ne voulait rien avoir à faire avec le masque rouge.

- Bien trop aimable, que tu réponds sarcastique à sa proposition de fermer les yeux à l’avenir. Comme s’il pensait réellement que le GCPD avait les ressources nécessaires pour te mettre en cage ; comme si t’avais besoin de leur approbation. De son approbation.

Et quand tu tires sur les premiers arrivés de la joyeuse troupe de moutons, en plein torse, que Crawford te dévisage comme s’il était prêt à t’arracher la jugulaire à mains nues, tu lèves les yeux au ciel et ajoute de ta voix trafiquée :

- Quoi ? Balles en caoutchouc

T’oublies simplement de préciser que, sur ta cuisses, tu portes tout aussi bien un calibre rempli de balles réelles.  

Unexpected savior.

Red Hood & Arthur Crawford

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Amusez-vous bien. Tu tournes furtivement la tête, simple déclaration qui néanmoins te prend par surprise. Tu lèves les épaules vers le ciel, détourne le regard. « Yeah, well. J’vais prendre mon putain d’pied », les mots déformés par le masque son marmonnés plus pour ta propre personne, t’es pas même certain que ton partenaire de fortune ne les entende, pas plus qu’il ne saisisse tout le cynisme de tes paroles - tes yeux roulent dans leurs orbites.
Tout aussi vite ton attention revient sur la troupe de joyeux lurons à peine ébréchés devant toi, juste à temps pour reculer ton torse et éviter un coup. T’attrapes le poing du malfrat et fais pivoter l’os dans son articulation pour le coincer dans une clé de bras, paume vers le haut, point de compression exercé sur son poignet tandis que tu repousses son copain avec le talon de ta botte. D’autres pingouins profitent de l’action pour dégainer et, au bruit de la détonation, t’agis plus par instinct, par mémoire musculaire que réelle conscience : tu plaques au sol ton bouclier humain, à peu près certain que le détective ici présent trouverait à te reprocher le fait que ces guignols se tirent dessus, et tu sautes dans une parfaite vrille horizontale pour éviter les projectiles mortels. Avant de retoucher le sol tu dégaines de nouveau tes armes et tires dans leurs mains pointées dans votre direction. T’amortis ton atterrissage, bas sur tes appuis, un genou à terre et canon encore fumant devant ton visage écarlate.

Hyperconscient de ton environnement, un rapide regard dans la direction de Crawford t’indique qu’il se débrouille, lui aussi, malgré son état – visage pareille à une tapisserie de sang et de sueur. Rien d’étonnant à en juger par ses antécédents, tu sais que c’est un combattant, pas un bureaucrate en col blanc comme les autres poulets. De toute manière c’est toi qui prend le plus gros, pas parce que tu ne lui fais pas confiance pour gérer, mais pour le soulager, parce que t’es le gars en armure, et surtout parce que t’es toujours en première ligne, pour distribuer les coups – et peut-être dans l’espoir d’en recevoir quelques-uns en retour. T’as besoin de cette violence, de la morsure de l’adrénaline qu’elle procure, des sensations qui transpercent ton esprit brisé, cette carapace mentale que ton cerveau s’est créée au fur et à mesure que les années se sont écoulées. Il fut un temps où la douleur était la seule chose capable de stabiliser ton esprit malade, à te pousser à ressentir des choses ; à te sentir vivant alors que toi-même en doutais. Te rappeler que, malgré tout, tu es encore un humain. Mais tu ne prends pas de plaisir particulier à répandre cette haine qui brûle en toi, à blesser, à faire souffrir. Tu n’en as jamais pris. L’All-Caste t’a appris autrement, et que tu l’admettes ou non, Batman t’a appris autrement. Les techniques que tu utilises, sont trop sacrées, estimées et respectées pour être souillées par de telles pensées. Au mieux cela te soulage de toutes ces choses que tu extériorises uniquement au travers de tes poings, apaise provisoirement tes maux.

Les coups s’enchainent, fracas écœurant de la chair contre la chaire au beau milieu de cette arène urbaine. T’attrapes deux hommes par la nuque, te sers de leur appui pour t’élancer contre un troisième en face et cogner une nouvelle fois ta botte contre son menton ; poursuis ton mouvement dans un saut périlleux géré de manière à pivoter tes poignets et plaquer les deux premiers vilains au sol, avant de les assommer.

Quand tu te redresses, le dernier homme debout pointe son arme contre ton torse, inconscient de l’ironie de s’approcher aussi près d’un gars avec un casque de haute technologie et une armure de kevlar sur la poitrine. Quoi qu’à bout portant, il est probable que son calibre puisse infliger des dégâts malgré tout, particulièrement s’il vise certains points vulnérables de ton uniforme.

- PUTAIN ! Arrête avec tes saloperies d’arts martiaux ! Enfoiré de ninja, j’vais t’saigner, toi et ton pote de flicaille !

- Comme tu voudras.

Tu hausses négligemment les épaules, et quand l’homme fronce les sourcils, seconde fugace d'incompréhension, tes mains attrapent son bras armé pour le lever au ciel et ta tête pivote sur le côté ; ton genou percute sans préavis son entrejambe et le coup de feu résonne en l’air. En ton style de combat se reconnait la finesse de la Ligue des Assassins, mais aussi tout autant la patte sale et grossière de la rue. T’as été modelé de cette manière, et le pauvre homme qui se tord désormais à tes pieds l’a clairement oublié : le Red Hood de Gotham distribue des coups bas. Parce que la vie est impitoyable.

- Amateurs.

Le silence revenu, presque pesant, tu replaces machinalement le col et les manches de ta veste de cuir pleine de poussière, étires tes muscles et les phalanges de tes mains. Le sol est jonché de mauvais gars inconscients, ce n’est pas nécessairement la manière dont t’avais prévu de passer ta soirée, mais ce fut une séance sportive plutôt revigorante. Tu fais craquer tes doigts sous tes gants sombres. Se faisant, tu te tournes finalement vers Crawford, indiques grossièrement l’entrée du bar derrière-toi d’un pouce par-dessus ton épaule.

- Du coup… Maintenant qu’il y a d'la place… Un petit remontant ? Tu regardes le big boss au sol, l’homme d’intérêt pour tout ce merdier, tu l'indiques d'un signe de tête. Celui-ci va pas s’réveiller avant vingt bonnes minutes de toute manière. Et les autres n'en parlons même pas.

Tu hoches les épaules.

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Red Hood & Arthur Crawford

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Mouvement machinal de ton poignet, tes doigts passent grossièrement de ton front au ciel, et tu fais claquer ta langue entre tes dents, gratitude lorsque l’autre homme propose de payer les consommations. T’as jamais rien réclamé de ta vie, pas quand tu ne t’es jamais habitué au luxe de pouvoir envier des choses matérielles, mais t’es pas pour autant du genre à cracher sur la moindre offrande. Surtout quand il s’agit d’alcool. Parce que l’alcool, ça aide à oublier, à faire taire les voix qui résonnent dans ton crâne continuellement.
Pas vraiment dérangé par les craquements des morceaux saillants sous tes bottes, tu navigues parmi les bris de verres qui comme un tapis de neige jonchent le sol du boui-bouis crasseux, et te diriges face au barman fraichement sorti de sa planque - yeux écarquillés à l’incrédulité de la scène. A croire qu’il n’a jamais vu agir un vigilant de sa vie, ou… peu importe ce que t’es. Mais à lui non plus, tu ne portes pas vraiment de crédit.
- Bien trop aimable m’sieur l’inspecteur, que tu réponds sarcastique, souffles du nez : comme si une case de plus ou de moins, allait changer le statut des innombrables mandats d’arrêt qui te collent un peu trop à la peau.
Le casque carmin lourdement tombe proche de l’agent sur le comptoir alors que ton visage demeure camouflé par un masque de la même couleur - semblable au masque domino que t’avais quand t’étais Robin, peut-être un peu plus proche de celui de Nightwing. Tu tires le tabouret adjacent et t’affales dessus décontracté, puis avec un hochement de tête en guise de remerciement implicite, t’acceptes la cigarette qui t’est tendue, l’allumes avec le briquet gravé au logo de Wonder Woman de la poche intérieure de ta veste. Toi aussi, commandes un whisky bien sec, et fais tournoyer son contenu quand le serveur le dépose sur le comptoir sans broncher. T’écrases la cancéreuse entre ton pouce et ton indexe, tires un coup dessus et réajustes ta position pour mieux faire face à Crawford. Tu lèves un sourcil, inquisiteur.
- Et bien. Partant du principe qu’on s’est mutuellement vus les vêtements en lambeaux et couverts de sang, j’pense qu’on a effectivement dépassé le stade du vouvoiement. C'est plus notre premier rendez-vous galant, mon gars, tu lances un clin d'œil. De toute manière ça me vieillit. Monsieur Hood, c’était mon daron.
Il faut dire que, t’as jamais pris la peine de vouvoyer l’inspecteur, ni qui que ce soit d’ailleurs. Pas sous le masque, tout du moins. Parce que dans la rue, de tels principes n’existent pas. Et quand bien même tu es un grand nerd de littérature classique, que tu serais capable de citer n’importe quel ver de Shakespeare de mémoire, tu n’en partages pas pour autant l’expression courante. C’est pour cette raison aussi parfois, qu’on te sous-estime. Ca, et le fait de n’être qu'une sorte de justicier raté.
Tu trinques machinalement avec son verre et avales la moitié de ton bourbon d’une traite, grimaces et reposes le verre devant toi. T’as besoin de plus de nectar, encore plus.
- Alors Crawford. Qu’est-ce qu’un type comme toi fait encore au GCPD, maintenant que m'sieur l’maire vous a coupé les vivres ? Le prends pas mal mais, t’es loin d’avoir froid aux yeux, et t’es clairement pas du genre à rester planqué derrière un bureau. Non pas que ça m’déplaise, au contraire ça bousillerait toute notre petit… partenariat, mais j’suis curieux. T’as jamais été tenté de t’mettre à ton compte, si la milice n’a pas réussi à t’acheter ? Y'a plus vraiment de flics, en ville.... Du  moins pas des bons.
Tu détournes le regard et reprends une gorgée d'alcool.

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Red Hood & Arthur Crawford

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La plupart du temps, les dudes de son genre sont surpris, voire offusqués de découvrir ton jeune âge, ce n’est pas le cas du bougre avec qui tu partages un verre : au contraire il s’en sert simplement pour souligner l’absurdité du vouvoiement entre vous. Tu hoches les épaules dédaigneux. – N’imagine pas que ça m’empêche de t’en coller une, papy.

Un lourd silence s’installe alors que ton interrogatoire désintéressé semble mettre le flic mal à l’aise, tu penses même qu’il ne va pas répondre et tu peux pas vraiment lui jeter la pierre, même si tu comprends pas forcément pourquoi. T’es toi-même pas franchement causant à propos de tes états d’âme, t’acceptes l’aphonie comme réponse quand toi-même t’aimerais parfois qu’on te fiche la paix. C’est pas comme si l’information t’était vitale après tout, tu penses avoir déjà cerné le bonhomme, c’est suffisant pour toi. Ton regard, vitreux, passe de ton verre aux corps inertes sur le sol, tu tires une nouvelle fois sur la cancéreuse sous ton index.
Finalement vient la réponse sur laquelle t’avais tiré un trait. Tu commences par lever les yeux au ciel, sainte justice et merveilleuses lois invoquées, putains de notions qui ne t’ont toujours apporté que malheur, tristesse, et auxquelles du ne crois plus. De la justice découle l’injustice, et les lois aux plus riches confèrent le privilège exclusif de les enfreindre.
Ton intérêt se porte davantage sur la suite de ses dires, bien plus nuancés, bien plus honnêtes aussi. Tu lèves le menton, face à face de nouveau avec ton interlocuteur. Incapable de soutenir son regard une seconde, quand il évoque inconsciemment le Joker et que tu frissonnes légèrement. T’as réussi à surmonter ce qui t’est arrivé, mais t’as jamais vraiment fait la paix avec, et quand t’es pris au dépourvu, t’as cette étincelle de colère pure qui te poignarde le cœur, tristesse et injustice mêlées que t’arrives pas totalement à appréhender. Tu te jettes sur la fin de ton verre, délicieux poison qui brûle ton œsophage avant de demander quelque chose de plus corsé encore au gérant du taudis de verre jonché. Tu soupires, mâchouilles l’intérieur de ta joue. Puis plonges tes émeraudes dans ses noisettes pour jauger ses réactions, tentes de déceler la moindre fragilité, plus par habitude. Tu réfléchis un instant, joyeux bordel qui traverse ton cerveau et que tu dois ordonner avant de décider ce que tu vas répondre, le degré, la profondeur et la pertinence des information que tu vas laisser fuiter.

- Je comprends. Longue inspiration sur la barrette de tabac, t’écrases la clope entre tes doigts et souffles un épais nuage de fumée. Tu réajustes ta position sur ton tabouret. Tu optes pour la franchise, donc. Probablement désespéré, pour chercher un associé à ce point. A moins que tu te sentes terriblement seul et abandonné tout simplement, et cherches l’approbation de la première personne à même de te comprendre. – La pitié nous mène nulle part dans c’monde ravagé. On peut pas se permettre de jouer les héros sans connaître les véritables menaces qui nous entourent. La réalité du terrain, c’est qu’il faut savoir retrousser ses manches et patauger dans la merde pour prétendre avoir une chance de rivaliser. Protéger ceux qui ne sont plus entendus nécessite parfois de franchir des lignes morales difficiles.

Le serveur apporte un peu plus de boisson, tu lui fais poliment un signe de tête pour l’en remercier et avale quelques gorgées du breuvage. T’hésites une seconde, touche distraitement le casque de carmin oublié sur le comptoir, que tu fais lentement tourner entre tes doigts gantés, et enfin hoches négligemment les épaules.

- J’entends que certains puissent pas saisir la nuance de ce que je fais, mais ça m'empêchera pas de protéger les innocents à ma manière. Gotham a besoin d'une main forte, même si ça signifie parfois devenir le monstre qu’on cherche à combattre. C'est un fardeau que je suis prêt à porter. Et si je dois être jugé comme un vilain par les autres, alors ainsi soit-il.

T’avales cul sec l’intégralité du nectar ambré de ton verre et puis tu lèves finalement le menton, déterminé.