partners in crime (ivy)

Gaie, c'était bien le cas de le dire. La mélodie enfantine qui s'échappait du fond de ta gorge résonnait dans les ruelles et cages d'escalier que tu grimpais petit à petit, un air que l'on te connaît aisément, une intonation bien propre à l'arlequin. Un sourire refusait de quitter tes lèvres, tandis que tes doigts agrippaient habilement les barreaux de métal, les cheveux au vent. Tu t'arrêtes à un étage en particulier, décidée sur ta destination, passant ton visage proche de la vitre pour essayer de jeter un œil à l'intérieur de l'appartement, tes mains s'arquant autour de ta tronche dans l'infime espoir d'y voir un peu plus clair, mais ta vision était bien trop opaque pour voir clairement ce qu'il s'y passait. Tu as une petite moue boudeuse, jetant un œil derrière toi, autour de toi. Personne, la ruelle est vide. Tu observes un instant les fenêtres de l'immeuble voisin, qu'aucune âme vagabonde ne te voit dans tes délits – tu aimerais rester le plus discrète possible. Tu es une résistante, après tout. Recherchée par les autorités chauve-souris. Tu préférais ne pas te faire attraper, même s'il y avait des chances que tu réussisses malgré tout à échapper aux griffes de l'horrible Wayne. Personne à l'horizon, tu te décides enfin à cogner ton coude contre la vitre – en vain, nous ne sommes pas dans un film, Harley. La douleur traverse ton bras – tu sais, quand tu te cognes à CET endroit-là bien précis du coude, électrisante. Ta main jumelle vient l'attraper, comme si ça allait changer quoique ce soit à la douleur qui te traversait, les dents plantées dans ta lèvre inférieure pour éviter de faire le plus de bruit possible. Tu laisses les secondes passer, le temps de calmer ta souffrance, jusqu'à ce que celle-ci s'évanouisse entièrement.

Ton attention se reporte sur la fenêtre, que tu observes avec plus de précision, puis tu portes une main à tes cheveux pour en retirer une bobby pin. Tu commences à travailler sur le verrou, pour enfin réussir à le crocheter – Cat l'aurait certainement fait bien plus rapidement que toi, elle excelle davantage dans ce domaine, tu étais plutôt rentre-dedans que le contraire, mais aujourd'hui t'avais pas trop le choix que d'agir plus prudemment – puis tu la soulèves. Tu passes ta petite tête blonde à travers l'entrebâillement que tu viens de te dégoter, et tu regardes à l'intérieur. Il fait noir, et il n'y a pas l'air d'y avoir l'ombre d'un chat – ni d'une tête rousse – dans le coin. Tu passes le reste de ton corps – avec plus de mal que de bien, tordue dans tous les sens pour réussir à entrer entièrement, puis la fenêtre se referme dans un claquement sourd qui te fait sursauter, tournant le visage vers la source du bruit, tressaillant sur place. Tu émets un soupire de soulagement, puis tu commences à fouiner autour de toi. Tu n'oses cependant pas allumer la lumière, comme si ça pouvait attirer de mauvais démons. Plutôt que d'attendre sagement le retour de la demoiselle, tu cherchais une quelconque trace de l'endroit où elle aurait pu se rendre, certainement pour la traquer et aller la retrouver là où elle se trouve, impatiente comme tu étais. Tu n'aimais pas trop l'idée de trop voyager en dehors des planques de la résistance, à vrai dire : chaque seconde passée dehors était risquée, tu en avais bien conscience. Si tu pouvais écourter au maximum tes allers et retours avec l'extérieur, alors c'était mieux.

Tu étais ici pour une bonne raison. Tu ne t'amusais pas à sortir à tout va sans avoir une excuse valable de le faire. Tu étais au courant des dangers que tu encourais, non seulement pour ta propre petite personne, mais aussi pour le reste des résistants. Tu avais une petite place de choix au sein de ceux-ci, de plus : tu étais une cible que les chauve-souris raffoleraient d'avoir entre leurs pattes. Et tu ne voulais pas leur donner cette satisfaction. Mais ramener Poison Ivy parmi les résistants, et lui permettre de œuvrer pour votre cause te paraissait essentiel. Les talents de la charmeuse pourraient s'avérer plus qu'utiles pour la résistance, et pourraient même faire pencher un peu plus la balance en votre faveur. Et puis, tu aurais sûrement l'esprit bien plus tranquille aussi, si tu savais qu'une de tes amies les plus fidèles – si ce n'est la plus fidèle de toutes – était plus en sécurité parmi les tiens que seule dans la nature. Même si tu n'avais pas de doute qu'elle s'en sortirait sans trop de difficulté, tu ne connaissais trop bien Batman, toi aussi, et ses sbires pour savoir qu'ils avaient plus d'un tour dans leur sac, et qu'ils parviendraient, tôt ou tard, à la piéger. Tu ne sais pas trop ce que tu ferais sans une Ivy dans ta vie, à dire vrai, alors ouais, tu venais la visiter ; encore, et tu irais presque jusqu'à la supplier de te suivre, d'au moins essayer de donner une chance à la résistance, qu'elle puisse voir que vous n'êtes pas mauvais malgré celui qui présidait tout ce petit peuple, malgré son passé en commun avec le Joker, malgré TON passé en commun avec lui. Tu ne savais pas si elle allait rentrer de si tôt, en tout cas ; et jusqu'ici, tes recherches s'avéraient vaines. Tu avais beau fouiller les posts-its, tas de papiers qui traînaient, demander aux plantes présentes des informations, tu n'arrivais à rien de concluant.

(c) mars.